Conférence sur le patrimoine de Cernay le 24 mars
Le vendredi 24 mars 2023 à 18h, à la salle des fêtes de Cernay, une conférence de Paul Maturi présentera les résultats de l’inventaire du patrimoine de cette commune.

Soldat décoré de la Croix de guerre 14-18 et de la Légion d’Honneur, Claude Grange a été aussi un sculpteur reconnu lauréat d’un second Grand Prix de Rome en 1911. Cette double réputation lui a valu nombre de commandes pour des monuments aux morts, mais aussi pour des portraits sculptés de Poilus ou d’artistes destinés à orner les sépultures des défunts. Parmi ces portraits, deux ont été découverts à Poitiers et à Châtellerault.
Né le 25 septembre 1883 à Vienne (Isère), d’un père marbrier, Pierre Grange, et d’une mère au foyer, Marie-Louise Bouvier, Claude Grange se destine très tôt à la carrière artistique. Initié à la taille de la pierre dans l’atelier paternel, il entre en 1900 aux Beaux-Arts de Lyon et fréquente l’atelier de Pierre Aubert dans la même ville. En 1906, il obtient une bourse d’étude qui lui permet d’entrer aux Beaux-Arts de Paris. Il suit parallèlement des cours pratiques dans l’atelier de Jean-Antoine Injalbert (1845-1933), Grand Prix de Rome en 1874 et membre de l’Académie des Beaux-Arts. Il est également élève du médailleur Emmanuel Hannaux (1855-1934).
Sculpteur volontaire et talentueux, Claude Grange expose au Salon des Artistes Français où il obtient une mention honorable en 1910, puis une médaille de bronze en 1914 pour le groupe sculpté « Le Soir ». Il concourt aussi pour le Prix de Rome et, en 1911, il obtient le second prix pour sa composition « Electre veillant sur le sommeil d’Oreste ». Mais sa carrière est brusquement interrompue par la guerre en 1914. Mobilisé au 5e régiment d’infanterie coloniale, il en revient en 1919 avec le grade de capitaine, la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’Honneur pour le « courage indomptable et l’esprit de sacrifice » dont il a fait preuve, comme l’indique son dossier militaire.
A partir de 1920, il reprend son activité de statuaire et expose de nouveau au Salon officiel. Son talent est une nouvelle fois reconnu, car il reçoit une médaille d’argent en 1923 et une autre, cette fois en or, en 1926. Parallèlement, il est beaucoup sollicité pour sculpter des monuments aux morts et il s’acquitte d’autant plus volontiers de ces commandes qu’il veut honorer personnellement la mémoire de ceux qu’il a vus mourir à ses côtés en 1914-1918.
En 1933, il expose au Salon une maquette de la statue d’Hector Berlioz, œuvre qui est louée par les critiques car exprimant « le romantisme tourmenté et le génie musical du grand compositeur » ; la statue en pierre grandeur nature ne sera réalisée qu’en 1953 pour la ville de Grenoble, dont le musicien est originaire, afin de remplacer celle en bronze qui a été fondue sous le régime de Vichy. En 1935, il reçoit la médaille d’honneur du Salon des Artistes Français pour une statue figurant saint Colomban destinée à l’abbaye de Luxeuil (Haute-Saône). En 1937, il sculpte à Albas (Lot) le monument dédié à Gustave Guiches (1860-1935), romancier et dramaturge, natif de la commune.
Lors de la guerre 1939-1945, Claude Grange est de nouveau mobilisé et part en Syrie avec le grade de commandant. Après l’armistice, il reprend ses activités de sculpteur. En 1949, il fonde le Syndicat national des artistes peintres et sculpteurs professionnels (devenu Syndicat national des sculpteurs et plasticiens) afin de défendre les intérêts de sa corporation. En 1950, il sculpte pour sa ville natale de Vienne le monument de l’écrivain et académicien François Ponsard (1814-1867), là encore en remplacement de la statue en bronze qui a été fondue en 1942.
Toujours en 1950, il est nommé membre de l’Académie des Beaux-Arts (section sculpture) et trois ans plus tard il en devient le président. Commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre des Arts et Lettres, il reçoit en 1969 le prestigieux grand prix de la Société des Artistes Français pour l’ensemble de son œuvre. Décédé le 22 septembre 1971 à Paris, il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.
Si Claude Grange est connu pour avoir travaillé essentiellement en Isère et dans le Rhône, on sait beaucoup moins qu’il a noué une amitié durable avec le peintre parisien, d’origine poitevine, Charles Eugène Descoust (1882-1974). En effet, les deux hommes se connaissent depuis la guerre de 1914-1918. Comme Grange, Descoust a été sociétaire du Salon des Artistes Français et il y a présenté régulièrement des œuvres qui lui ont permis d’obtenir une mention honorable en 1927, puis la médaille d’or en 1956. En 1926, les deux hommes ont exposé ensemble leurs œuvres respectives dans la Galerie Charpentier à Paris, Descoust présentant à cette occasion pas moins de 57 tableaux.
A Poitiers, Charles Descoust a sollicité en 1922 son ami pour la réalisation du buste de son père, Victor Charles Descoust (1852-1931), buste qui sera ensuite offert au musée de Poitiers. En 1933, la revue poitevine La Grand’Goule nous apprend que Claude Grange a réalisé une maquette figurant le « Montoir de Jeanne d’Arc », bloc de pierre dont la tradition affirme que la « Pucelle d’Orléans » a pris appui dessus pour monter sur le cheval qui devait l’emmener en 1429 auprès du roi Charles VII ; mais ce projet artistique ne verra pas le jour. En 1936, la même revue poitevine fait l’éloge de la statue de saint Colomban réalisée par Claude Grange pour l’abbaye de Luxeuil. Cette œuvre, qui a reçu la médaille d’Honneur du Salon, est ainsi décrite par le chroniqueur de la revue : « La figure [que Grange] a dressée, énorme, est d’une fougue dans le mouvement, d’une force expansive dans le geste, d’une énergie formidable dans l’expression où revivent l’œuvre et l’homme, ou plus exactement l’âme elle-même. Rien d’anecdotique dans ce rude symbole, nulle minutie archéologique, nulle dispersion de l’effet où se traduirait la recherche, l’art de Claude Grange garde, dans l’extrême tension, une parfaite simplicité. C’est à ce prix qu’est la grandeur. »
A la suite de ces échanges artistiques entre Claude Grange et le milieu culturel poitevin, le musée Sainte-Croix de Poitiers s’est enrichi de trois œuvres du sculpteur viennois :
A Châtellerault, le cimetière de Châteauneuf conserve le médaillon d’un Poilu, Maurice Ollivier (1882-1914). Ce dernier, soldat du 6e régiment d’infanterie, est décédé le 14 octobre 1914 des suites de la fièvre typhoïde contractée sur le champ de bataille à Fismes (Marne). Pour lui rendre un ultime hommage, ses parents ont demandé à Claude Grange d’immortaliser son portrait afin de l’installer en haut de la sépulture familiale. L’œuvre n’a été réalisée que huit ans plus tard, en 1922, probablement en raison des trop nombreuses commandes pour lesquelles Grange s’était engagé.
A Poitiers, le cimetière de Chilvert conserve le médaillon de Victor Charles Descoust, le même personnage dont le fils Charles a fait réaliser en 1922 le buste qu’il a ensuite offert au musée. Comme l’indique l’inscription portée sur le médaillon, ce sont ses fils, Charles et Amédée, qui en ont passé la commande à Claude Grange en 1932, un an après le décès de leur père. Ce dernier est figuré de manière saillante, en haut-relief et vu de profil, portant un uniforme militaire au col relevé.
En l’état actuel des connaissances, seules quelques œuvres de Claude Grange figurant des soldats morts au combat ont été repérées en France. C’est le cas à Vienne, au cimetière Pipet :
Au nombre des personnalités politiques ou d’artistes portraiturés par Claude Grange, on peut citer dans un ordre chronologique les médaillons en bronze suivants, traités le plus souvent en haut-relief :
- Vienne, cimetière Pipet :
- Vienne, jardin du 8 mai 1945 :
- Paris, cimetière du Père-Lachaise :
- Chalezeule (Doubs), cimetière :
Parmi les œuvres plus personnelles de Claude Grange, on peut citer de manière non exhaustive :
Et il reste beaucoup d’autres œuvres à découvrir...
Auteur : Thierry Allard, novembre 2022.