Conférence sur le patrimoine de Cernay le 24 mars
Le vendredi 24 mars 2023 à 18h, à la salle des fêtes de Cernay, une conférence de Paul Maturi présentera les résultats de l’inventaire du patrimoine de cette commune.

Le médecin philanthrope Théophraste Renaudot, fondateur de la presse en France et dont un grand prix littéraire porte aujourd'hui le nom, est né en 1586 à Loudun. Depuis 1986, année de commémoration du 4e centenaire de sa naissance, une statue représentant cet homme illustre se dresse devant l’hôtel de ville de Loudun. Cette œuvre remplace celle réalisée en 1893 par le sculpteur Alfred Charron et fondue par les Allemands en 1942.
En 1891, la ville de Loudun décide de rendre hommage à Théophraste Renaudot. Un comité est constitué, dirigé par Gilles de La Tourette, médecin, et Eugène Hatin, historien de la presse. Ce dernier, également biographe de Renaudot, publie l'année suivante une brochure intitulée « Enfin ! Théophraste Renaudot aura-t-il sa statue qu'il mérite à tant de titres ! » Ce désir de lui ériger une statue est résumé dans une délibération du Conseil général de la Vienne, sollicité en 1892 pour l'obtention d'une subvention : « Théophraste Renaudot, originaire de Loudun, peut être considéré comme une des gloires du Poitou. Il a été le créateur de la presse, des monts-de-piété, des bureaux d'adresses, des consultations [de médecine] gratuites ; et, à tous ces titres, il a bien droit au témoignage de la reconnaissance de ses compatriotes. » La Société des antiquaires de l'Ouest apporte elle aussi son soutien au projet en indiquant qu'elle veut honorer en Théophraste Renaudot « le bienfaisant fondateur des monts-de-piété et le créateur de cette force incomparable, de ce puissant levier qui soulève le monde et qui s'appelle le journalisme. »
Renaudot étant une gloire poitevine, les membres du comité veulent que le sculpteur soit poitevin : ce sera Alfred Charron.
Né en 1863 à Poitiers, Joseph Amédée Alfred Charron, dit Alfred Charron, est le fils de Louis Amédée Charron (1837-1916), sculpteur et directeur de l'atelier de sculpture Saint-Hilaire de Poitiers avec l'architecte Adolphe Beausoleil. D'abord élève de son père, Alfred Charron a suivi les cours dispensés dans les ateliers de Jules Cavelier, de Louis-Ernest Barrias et de Jules Coutan, avant d'être admis à l'Ecole des beaux-arts de Paris en 1882. Il expose pour la première fois au Salon des artistes français en 1888. En 1892, il y obtient la mention honorable pour un plâtre figurant Le sommeil de l'enfance. Son talent lui vaudra d'être nommé officier d'académie en 1894.
Sa production est mal connue, mais on sait qu'il a obtenu le 1er prix au concours organisé pour l'érection d'une statue de Jeanne d'Arc à Poitiers, projet qui ne verra pas le jour. Une courte notice biographique parue en 1894 dans le journal L'Avenir de la Vienne indique qu'il a « surtout travaillé pour l'Amérique » et qu'il a « collaboré à l'exécution des statues décoratives de la Fontaine lumineuse de Coutan à l'exposition universelle de 1889 ; il est, de plus, l'auteur de groupes très remarqués, la Liberté et l'Alsace, l'Amour de la Patrie, ainsi que de nombreux portraits, bustes et médailles. »
Les musées de Poitiers conservent trois de ses œuvres réalisées entre 1880 et 1882 : un buste en plâtre de jeune fille et deux statuettes en terre cuite représentant Brennus et Clovis après Tolbiac. Il est également connu pour avoir réalisé en 1880 un buste du comte de Chambord, héritier de la branche aînée des Bourbons.
Alfred Charron est décédé en 1955 à Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine).
Commandée en 1892 à Alfred Charron, la statue de Renaudot est livrée un an plus tard. Elle est présentée en modèle réduit au Salon des artistes français de 1893 (n° 2693) sous le titre Esquisse du monument à Théophraste Renaudot. Portée par un piédestal haut signé de Léon Chifflot, architecte qui remportera en 1898 le grand prix de Rome, la statue est coulée dans le bronze en septembre 1893 par les établissements Durenne, à Sommevoire (Haute-Marne). Elle figure le fondateur de la presse debout, le pied droit en avant, le buste penché vers un pupitre situé à sa droite. Renaudot est représenté en train d'écrire à la plume, sur la Gazette, les adresses consignées dans son registre des Nouvelles. Entre ce registre et le pupitre prennent place des livres écrits par Renaudot : Traité des pauvres, Textes et Nouvelles et les Consultations charitables. Sur le piédestal, un médaillon circulaire figure Eugène Hatin vu de profil.
Le monument est inauguré le 14 mai 1894 par le ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, Eugène Spuller, en présence des députés, sénateurs, conseillers généraux, préfet et procureur général du département de la Vienne, des sous-préfets de Loudun, Châtellerault, Civray et de Montmorillon, et du maire de Loudun, Alphonse Dumereau, assisté de son conseil municipal.
Cette inauguration a donné lieu à de riches festivités relatées dans la presse et sur une affiche imprimée à cet effet : distribution de pains aux pauvres, courses vélocipédiques, exercices de gymnastique, festival de musique, ballon monté, puis, en fin de journée, banquet, feu d’artifice et illumination du château de Loudun.
En 1942, la statue en bronze de Renaudot est fondue par les Allemands. En 1957, afin de la remplacer, un buste est commandé par l’État au sculpteur Pierre-Ernest Bouret (1897-1972). Celui-ci livre l’année suivante une œuvre haute de 1,10 mètre, qui s’intègre mal par ses dimensions au piédestal existant. Il faudra attendre 1986, à l’occasion du 4e centenaire de la naissance de Renaudot, pour que l’actuelle statue remplace ce buste, qui est alors relégué dans la cour du musée Renaudot.
Le 14 juin 1986, une nouvelle statue en résine patinée en faux bronze est inaugurée. Reproduisant celle qui a été mise en place en 1894, elle est l’œuvre de Jean-Luc Girard, mouleur à Beaune (Côte-d’Or), grâce au plâtre d’origine conservé dans la mairie. Celui-ci a été donné par Alfred Charron en 1895 ou 1896 à la Ville de Poitiers, qui l'a mis en dépôt à Loudun en mars 1950.
Comme en 1894, elle donne lieu à de grandes festivités. Elle est inaugurée par deux ministres, François Léotard, ministre de la Culture, et René Monory, non seulement ministre de l’Education nationale, mais aussi président du Conseil général de la Vienne et maire de Loudun.
Né à Loudun en 1586 (on ne connait pas le jour et le mois de sa naissance), Théophraste Renaudot a été à la fois médecin, journaliste et philanthrope. Après de brillantes études de médecine suivies à Paris et à Montpellier, Renaudot se fixe dans la capitale où il bénéficie du soutien du cardinal de Richelieu. Celui-ci le nomme commissaire général des pauvres du royaume (qualifié aussi de ministre de la charité publique). En 1629, il ouvre un bureau d’adresses et de rencontres qui permet aux pauvres sans emploi de consulter des annonces d’embauche et de rencontrer ceux qui les proposent. Il crée aussi pour les nécessiteux des organismes de prêts, appelés monts-de-piété, et ouvre à son domicile un bureau de consultations gratuites de médecine, ce qui lui vaut une forte hostilité de la part de la Faculté de médecine de Paris.
Renaudot est surtout réputé pour avoir fondé le 30 mai 1631 le premier journal de France, le Recueil des gazettes, qui bénéficie d’un privilège royal. C’est grâce à ce petit folio hebdomadaire de quatre pages, dans lequel sont relatées les nouvelles provenant de France et de l’étranger, qu’il est considéré comme le « Père de la presse » en France. Avec les décès de Richelieu en 1642 et de Louis XIII en 1643, Renaudot perd ses deux protecteurs. S’il lui est dorénavant interdit d’exercer la médecine, il réussit à conserver la direction de la Gazette. Il est même nommé en 1646 historiographe du roi et a le privilège d’être logé dans la Grande galerie du Louvre.
Portrait de Théophraste Renaudot publié en 1644. © BIU santé, Paris Descartes, droits réservés. https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?CIPB0301
Les créations de Renaudot ont eu un grand impact dans la vie des Français : la création de la Gazette en 1631 est considérée comme l’acte de naissance de la presse en France ; les monts-de-piété sont transformés en 1918 en caisses de crédits municipaux et le bureau d’adresses peut être considéré comme la première esquisse de Pôle Emploi.
Théophraste Renaudot est mort à Paris le 25 octobre 1653.
Auteur : Thierry Allard, janvier 2020.