Conférence sur le patrimoine de Cernay le 24 mars
Le vendredi 24 mars 2023 à 18h, à la salle des fêtes de Cernay, une conférence de Paul Maturi présentera les résultats de l’inventaire du patrimoine de cette commune.

Aujourd'hui déposé dans les locaux de l'EHPAD de Mirebeau (Vienne), le buste de Théodore Arnault trônait encore à la fin des années 1970 au milieu de la cour de l'ancien hospice. Il rend hommage à l'un des fondateurs de cet établissement hospitalier, Théodore Arnault, qui a légué en 1868 toute sa fortune « en témoignage de son affection pour les pauvres. » Ce buste a été réalisé en 1922 par un sculpteur talentueux, Léon Morice.
L'hospice de Mirebeau est fondé en 1868, grâce aux legs effectués principalement par trois habitants riches de la commune : Théodore Arnault (1809-1899), sa sœur Clémence (1811-1892) et Charles André Ricaume (1805-1879). Catholiques voulant aider les pauvres de la commune, notamment les vieillards nécessiteux, ces personnes recrutent trois sœurs hospitalières pour faire fonctionner l'établissement. Jusqu'à la fin du 19e siècle, ils effectuent des dons qui permettent de construire des bâtiments, d'équiper des lits et d'employer du personnel soignant. La liste complète de ces donateurs est conservée dans les locaux.
Théodore Arnault est né à Mirebeau le 10 novembre 1809. Fils d'un ancien magistrat, Jean Wulfran Arnault, et de Marie Rosalie Bodin, il se marie en 1836 à sa cousine Marie-Louise Arnault, fille d'un docteur en médecine, Vincent Frumence Arnault, et de Madeleine Martineau.
Voici en quels termes un historien local, Eugène Chevallier, rapporte en 1895 son action à Mirebeau : « En ce moment, et depuis quelques années, Mirebeau possède un hospice très remarquable pour une si petite ville, grâce à M. Théodore Arnault, qui a donné la plus grande partie de sa fortune à cette fondation. Cet homme charitable, aujourd'hui âgé de 87 ans environ, s'occupe toujours de constructions pour améliorer son œuvre. L'hospice qu'il a fait construire, placé près des murs de l'enceinte sur une hauteur, jouit d'une perspective admirable sur la plaine de l'ouest, dans un lieu très salubre. M. Théodore Arnault est connu dans le pays sous le nom de Petit Jésus, nom qu'il mérite jusqu'à un certain point. »
En 1922, en reconnaissance de la générosité témoignée par Théodore Arnault, un buste de lui est commandité auprès d'un sculpteur réputé, Léon Morice.
Ce buste est inédit dans la liste des œuvres recensées de Léon Morice. Il est simplement cité, avec deux autres œuvres, dans L'Ouest-Eclair du 11 mai 1922 : « Soulignons les trois remarquables envois du maître statuaire Léon Morice, d'Angers, qui expose un buste en bois, Souvenir (n° 3543), un expressif buste en marbre de Faune (n° 3544) et le portrait de M. Théodore Arnault (n° 3545). »
Modelé dans le plâtre avant d'être coulé dans le bronze par Henri Rouard, fondeur à Paris, ce buste a été très probablement réalisé d'après une photographie. Il justifie par son réalisme et l'expressivité du regard les éloges qui lui ont été adressés pour d'autres œuvres.
Né en 1868 à Angers, Léon Morice devient sourd et muet suite à une fièvre typhoïde contractée à l'âge de trois ans. Après avoir été placé dans l'institution religieuse de Sainte-Marie-la-Forêt à Angers, il témoigne rapidement de dispositions pour le dessin et le modelage. Élève de Brunclair à l'école des Beaux-Arts d'Angers, il travaille de 1888 à 1897 dans les ateliers angevins de sculpture religieuse de Pierre Rouillard. Il y crée des modèles qui connaissent le succès.
Il se met rapidement à son compte et, en 1900, il présente une Sainte Cécile à l'exposition universelle de Paris. Installé à Paris en 1910, il y suit des cours dans l'atelier du sculpteur Félix Charpentier. Travaillant pour son propre compte, il sculpte et modèle des statues, des bustes ou des médaillons dans des matériaux aussi variés que le bois, le plâtre, la terre cuite ou le marbre. C'est un artiste prolifique, qui, à 60 ans, a déjà produit plus de 130 œuvres.
Il expose régulièrement, de 1905 jusqu'aux années 1930, au Salon des Artistes Français où il obtient une médaille d'argent en 1914, et aussi au Salon des Artistes Silencieux créé en 1926.
Réputé pour ses talents de portraitiste, sa puissance expressive et ses modelés vigoureux, il reçoit de nombreuses commandes qui lui valent des éloges, comme celui publié en 1912 par Aimé Legrand dans la Revue générale de l'enseignement des sourds-muets : « Un encouragement spécial du sous-secrétariat des Beaux-Arts est venu récompenser, en 1911, les efforts de cet artiste consciencieux, lequel est en même temps un travailleur acharné et un chercheur infatigable. Sculpteur sur bois merveilleux, Léon Morice excelle en outre dans ses médaillons et ses bustes d'une facture vigoureuse, qui attirent par leur expression vivante et que l'on devine ressemblants. »
En 1917, le même Legrand écrit que l’œuvre de Léon Morice est « d'un réalisme poignant, d'une intensité d'expression extraordinaire, d'une hardiesse de composition qui ne cède en rien à la virtuosité de l'exécution. » Et d'ajouter plus loin à propos de son handicap : « Bien que ce grand artiste se soit spécialisé dans la sculpture sur bois dès le début de sa carrière, il n'est pas inutile d'ajouter qu'il a su se tailler l'une des premières places parmi nos portraitistes. Bustes et médaillons rivalisent de ressemblance et de vie. On sent palpiter dans son œuvre l'âme d'un véritable artiste, qu'aucune agitation venue du dehors n'arrache à la contemplation de son idéal et dont la vie intérieure s'est décuplée dans le recueillement et le silence que lui impose la nature. »
Enfin, cet autre éloge publié dans le journal L'Ouest-Eclair (édition de Nantes) à propos du Salon de 1921 : « Nous devons nous arrêter tout particulièrement devant les envois de M. Léon Morice, d'Angers, qui outre un buste en marbre de Jean Morin et un admirable buste en chêne Faune, expose une remarquable statue de Mgr Freppel, ancien évêque d'Angers et député du Finistère. De l'avis de tous ceux qui ont connu ce prélat et qui ont vu l’œuvre de Léon Morice, titulaire d'une deuxième médaille obtenue en 1914, l'artiste, par l'attitude et le geste autant que par l'expression du visage, a reproduit avec une étonnante vérité le noble et grand caractère de l'ancien évêque d'Angers. »
Marié et père d'un enfant, Léon Morice semble avoir quitté Paris pour l'Espagne où l'on perd sa trace à partir des années 1940.
Le musée des Beaux-Arts d'Angers possède plusieurs œuvres de Léon Morice qui attestent de ses talents :
Léon Morice est également l'auteur d'une console dite aux deux anges en bois sculpté, réalisée en 1902 pour la chapelle de l'institution Saint-Martin à Angers. Cette œuvre témoigne là encore de la finesse d’exécution de l'artiste, du soin apporté à chaque détail et du réalisme des visages.
L'Institut national des sourds-muets (aujourd'hui Institut national des jeunes sourds de Paris) a été créé en 1791 par l'Assemblée Constituante. Il doit son existence à l'abbé Charles-Michel de L’Épée (1712-1789), qui a ouvert en premier, en 1760, une école gratuite destinée à l'éducation des enfants sourds et muets. Cette école a permis à des artistes de suivre une formation adaptée à leur handicap. Elle leur a également permis d'exposer au Salon des Artistes Français, au côté des artistes entendants, jusqu'aux années 1930.
Afin de valoriser leurs œuvres et d'exposer les prix remportés par eux, un Musée universel des sourds-muets a été ouvert en 1892 à Paris. Il a fermé ses portes dans les années 1960.
En 1926, un Salon des Artistes Silencieux est créé par les artistes sourds-muets désireux d'avoir leur propre structure. Inauguré la même année par le Président de la République, Gaston Doumergue, il cesse d'exister au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Remerciements à
Auteur : Thierry Allard, août 2017.