Des fresques byzantines de Nicolaï Greschny en Charente-Maritime

Détail de la fresque de Greschny, à l'église de Saint-Pierre d'Oléron. Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / C. Rome, 2014.
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En Charente-Maritime, deux chapelles abritent des peintures exceptionnelles, réalisées par l'un des grands fresquistes du 20e siècle : Nicolaï Greschny. Héritier d'une lignée de peintres d'icônes russes, cet artiste a peint, entre 1945 et 1965, une centaine de fresques dans toute la France, particulièrement en Midi-Pyrénées. Petite histoire de ses fresques à Saint-Georges-de-Didonne et Saint-Pierre d'Oléron...

À Saint-Georges-de-Didonne, la chapelle d'une colonie de vacances...

C'est en 1955 que Nicolaï Greschny peint la chapelle de la colonie de vacances des Buissonnets à Saint-Georges-de-Didonne. Il est sollicité par le chanoine André Fugit, originaire de Rodez et directeur de l'association du diocèse de l'Aveyron qui a créé, 25 ans auparavant, la colonie destinée à faire profiter les enfants des bienfaits de séjours à la mer. Le peintre est alors connu dans l'Aveyron et le Tarn, où il travaille depuis une décennie à la décoration d'églises.
Greschny peint des fresques sur deux des murs de la chapelle, située dans un bâtiment construit entre 1948 et 1950 et qui abrite aussi les dortoirs. Il représente sur le mur du fond la Cène, dernier repas du Christ pris avec les apôtres.  

... recouverte de fresques consacrées aux enfants

Sur l'autre mur, Greschny choisit de mettre en valeur les enfants. Dans la grande partie centrale, il les représente dans le décor de la colonie de vacances : la plage, la mer et ses poissons, les bateaux et le nouveau bâtiment construit quelques années plut tôt. Placés sous la protection de la Vierge Marie et de sainte Thérèse de Lisieux (la chapelle lui est consacrée), les enfants sont en tenue de plage, pelle à main ou tenant des jouets ou une maquette de bateau.
Sur les parties latérales, le peintre les fait figurer dans des scènes de la vie du Christ comme la Nativité, le Christ enseignant aux enfants et demandant l'humilité aux apôtres, ou accompagnés de leurs parents, apportant des fleurs à Jésus, dans un message où sont louées les vertus de la famille chrétienne. L'image très présente des enfants est renforcée par deux inscriptions bibliques qui leur sont consacrées.

Dans la salle attenante à la chapelle et qui communique avec elle, Greschny peint, dans quatre médaillons, les enfants sous forme d'allégories qui illustrent le pouvoir de Dieu sur la nature : un jeune homme joue au cerf-volant (allégorie de l'Air), un autre se réchauffe auprès d'un foyer allumé (le Feu), une jeune fille nage dans la mer (l'Eau) et l'autre est assise sur le sol (la Terre).


La chapelle de la Vierge dans l'église de Saint-Pierre d'Oléron

En 1962, le curé de Saint-Pierre d'Oléron, Pierre-Marie Kieffer, passe commande à Greschny des fresques de la chapelle de l'église. Il lui demande de représenter la Vierge entourée d'enfants, ce que fait le peintre en prenant comme modèles des enfants oléronnais (qui habitent toujours l'île).
Ces fresques sont peintes au moment où le Concile de Vatican II préconise le dépouillement des églises. Elles constituent probablement l'une des dernières réalisées par Greschny avant que les commandes ne se tarissent. Il se tournera ensuite davantage vers la production d'icônes auxquelles il consacrera le reste de sa vie.
La fresque représente l'apparition céleste de la Vierge Marie portant l'Enfant Jésus assis sur ses genoux et bénissant ; inscrits dans une mandorle rayonnante dorée située au dessus d'un croissant de lune, la Vierge et Jésus sont entourés de huit anges armés de lances et de l'archange Gabriel.

Partie haute de la fresque peinte par Greschny dans la chapelle de la Vierge à l'église de Saint-Pierre d'Oléron. Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / C. Rome, 2014.

La partie inférieure de la composition, dont une partie est partiellement effacée, représente des paysages côtiers et des scènes de la vie quotidienne à Oléron. Tous les personnages rendent hommage à la Vierge : à gauche, sur fond de parc à huîtres, un marin pêcheur avec deux femmes en habits et coiffes traditionnels (celle de droite est la célèbre quichenotte) prient ou offrent des fleurs, trois enfants ont arrêté leurs jeux de plage ; à droite, trois enfants se tournent aussi vers la Vierge, derrière lesquels on peut voir la lanterne des morts de Saint-Pierre et une maison à escalier. Enfin, au-dessus de sa signature (en partie visible) NICO[LAÏ] GRES[CHNY] PINXI[T] – A.D. 1962, Greschny s'est représenté, le pinceau à la main, accompagné de deux hommes, dont l'un a une truelle à la main. À noter, aussi, la fantaisie de l'artiste qui a incrusté de coquillages et d'hippocampes le rivage...

Des fresques directement puisées dans l'iconographie byzantine

Les peintures ont été exécutées sur un enduit frais (fresque), technique de l'art chrétien par excellence. Elles s'inspirent des icônes byzantines auxquelles Greschny était très attaché et dont il revendiquait l'héritage. Il en a reproduit les modèles non seulement aux Buissonnets et à Saint-Pierre d'Oléron, mais aussi dans de nombreuses églises du Tarn ou de l'Aveyron. Il en reprend le style dépouillé et l'hiératisme des personnages, la quasi absence de perspective des paysages et de l'architecture, ainsi que la luminosité et le symbolisme des couleurs : l'or pour Dieu, le rouge pour l'Esprit-Saint, le bleu pour la sagesse, le vert pour la création...

Nicolaï Greschny (1912 – 1985) : 10 000 m2 de fresques dans toute la France

Nicolaï Greschny est né en 1912 à Tallinn, en Estonie. Son père, diacre orthodoxe russe, est iconographe et fresquiste, tradition transmise de père en fils depuis le 16e siècle.
En 1922, la famille fuit la persécution religieuse du régime bolchevique. En 1927, Nicolaï part étudier les beaux-arts à Berlin. Il se destine alors à la prêtrise romaine, mais il opte finalement pour le rite oriental, comme son père. Avec l'accession d'Hitler au pouvoir, il part se réfugier à Vienne en 1934. C'est à cette époque qu'il réalise sa première fresque. De fuite en exode, entre 1938 et 1940, il se retrouve en Tchécoslovaquie, en Italie, au Danemark, en Norvège puis en Angleterre.
En 1940, il étudie la théologie à Louvain (Belgique). Après son évasion du camp d'Argelès où il était interné, il trouve refuge chez les jésuites à Toulouse. Là, il passe sa licence de théologie. Pendant l'Occupation, il se réfugie dans les massifs montagneux du Tarn, où il est en contact avec le maquis jusqu’à la Libération. Après la guerre, le vicaire général d'Albi Gilbert Assémat lui ouvre les portes du diocèse. Greschny se consacre alors pleinement à sa passion d'artiste. Il peint les murs d'un grand nombre d'églises, notamment dans le Tarn et l'Aveyron.
Il réalisera plus d'une centaine de fresques, non seulement en Midi-Pyrénées, mais aussi en Aquitaine, en Limousin et un peu partout en France. Nicolaï Greschny est décédé en 1985 à Marsal, dans le Tarn, au hameau de La Maurinié où il avait son atelier. Son fils Michaël y perpétue son art, ainsi que celui de sa mère Marie-Thérèse, orfèvre en objets religieux.

Nicolaï Greschny et son fils Michaël, en 1964-65, à Mirefleurs (Puy de Dôme). Photographie de sa femme, Marie-Thérèse Greschny. Collection particulière.

Remerciements à Michaël Greschny et à Marie-Thérèse Greschny.

Auteur : Thierry Allard, 2014.

 

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