"Une vie, une usine" : tonnelier à la tonnellerie Taransaud, à Merpins

"Une vie, une usine" : tonnelier à la tonnellerie Taransaud, à Merpins
Découvertes
 
  • Mis à jour le 17 mai 2018
 

La fabrication de tonneaux a toujours accompagné l'élaboration et la commercialisation du cognac. Autrefois utilisés pour le transport, les tonneaux servent aujourd'hui uniquement pour le vieillissement. Quatre tonneliers parlent de leur travail dans la société Taransaud, à Merpins, entreprise familiale devenue filiale de la maison Hennessy en 1972.

En Charente et Charente-Maritime, les tonnelleries, intégrées ou non aux maisons de cognac, se sont largement développées depuis 40 ans, mettant désormais leur savoir-faire au service du vin, notamment pour le Bordelais.


# Portrait : Pierrre Toillon et Olivier François, tonneliers à la Tonnellerie Taransaud

Film réalisé en 2016 par Réel Factory , pour la Région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, dans le cadre de l'inventaire des mémoires ouvrières. Entretien mené par Willy Paroche, de l'association ARÉAS. Durée 07:43.
Pierre Toillon et Olivier François, qui travaillent tous deux chez Taransaud, à Merpins en Charente, depuis la fin des années 1990, expliquent et montrent les différentes opérations nécessaires à la fabrication d'un tonneau.


Portrait : Pierrre Toillon et Olivier François... par Region-Poitou-Charentes

Une formation au sein de l'entreprise

Une passion commune pour le travail du bois les a conduit à choisir le métier de tonnelier. Tous les quatre ont fait leur apprentissage chez Taransaud, à la fin des années 1980 pour deux d'entre eux, et à la fin des années 1990 pour les deux autres. L'entreprise, très attachée à la formation professionnelle, est à l'origine de l'école de la Tonnellerie, créée au sein même des ateliers sur le site de Merpins, puis rattachée à la Chambre des Métiers à Cognac en 1991. Pour le CAP qui clôture les deux années d'apprentissage, il est demandé au jeune de savoir fabriquer un fût entièrement à la main.

Il faut aussi avoir le goût de l'effort, parce que c'est un métier physique. De faire un fût, cela me plaisait. Quand on fait l'apprentissage, on fait vraiment son fût de A à Z, on apprend vraiment le métier et on est capable de partir de merrains, de douelles, de faire un fût jusqu'au bout.
J'ai appris le métier avec un maître d'apprentissage qui nous était spécialement dédié. On avait la chance d'avoir un atelier qui était réservé aux apprentis et donc, là, nous avons appris à fabriquer un fût de A à Z avec les outils d'autrefois.
Dans l'apprentissage, on avait appris toutes les bases, mais ensuite, à la production, ce sont des collègues tonneliers qui nous ont montré les petites ficelles qui nous ont permis d'éviter de faire des erreurs et d'aller beaucoup plus vite dans notre travail.


Photographies : Région Aquitaine – Limousin – Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel – Réel Factory


Concours de Meilleur ouvrier de France

Restés dans l'entreprise à la fin de leur apprentissage, ils ont chacun occupé différents postes avant de tenter le concours de Meilleur ouvrier de France. Pour ce concours, qui se déroule tous les trois ans et pour lequel il faut être âgé de plus de 27 ans, chaque candidat doit fabriquer un tonneau d'une taille et d'une forme données. Il doit respecter les cotes imposées et livrer une barrique sans défaut. L'entreprise, qui encourage cette démarche, a fourni le bois et les cercles, et chacun a exécuté son fût chez lui, sur plus d'un an et demi. Tous les quatre ont réussi ce concours qui leur a demandé un très grand investissement personnel.

Il fallait faire un fût ovale de 135 litres, plus deux petits fûts de 50 litres, en respectant les cotes au millimètre près. On avait cette œuvre à faire chez nous, et pour le mien, j'ai passé 500 heures.
Quand on a la réponse, on est reçu à la Sorbonne pour que l'on nous remette la médaille et, après, on est reçu à l'Élysée par le président de la République qui fait un discours. C'est mémorable, c'est vraiment l'aboutissement.


Des tonneaux spécifiques

Chaque maison de cognac a son propre cahier des charges pour la fabrication de ses fûts. Les contraintes concernent par exemple la qualité du bois, les cerclages, la qualité de la chauffe.

La maison Hennessy, pour qui nous travaillons beaucoup, nous demande des chauffes très fortes, sûrement parce qu'elle veut un cognac un peu plus teinté. On a d'autres maisons de cognac qui prennent des chauffes un peu plus légères.
On a l'atelier des grands contenants, des tonneaux qui peuvent aller de 600 à 1 000 litres jusqu'à 450 ou 500 hectolitres [50 000 litres], c'est vraiment de belles pièces. On fabrique beaucoup de 350 hectolitres, notamment pour Hennessy. On fabrique aussi beaucoup de tonneaux à vin pour l'étranger, des tonneaux ovales, des foudres... toutes sortes, à la demande du client. On est capable de répondre à peu près à toutes les commandes.


L'entreprise Taransaud a par ailleurs conçu la T5, une barrique très haut de gamme pour le vin, avec un cahier des charges très spécifique. Elle est réalisée par des Meilleurs ouvriers de France avec un bois qui a cinq ans de séchage, dans un atelier dédié. Les étapes de fabrication sont les mêmes que pour les autres tonneaux, mais avec une exigence encore plus grande, c'est un tonneau presque sans défaut, pour lequel le moindre petit détail compte.

La T5 n'est pas conçue pour le cognac. Pour lui, on travaille avec du bois dont le grain est plus gros, tandis ce que là, c'est vraiment des grains très fins.
Les fûts pour les cognacs, on va les garder 100 ans, 150 ans jusqu'à temps qu’ils ne peuvent plus contenir, pour le vin de la région de Bordeaux, ils vont garder un fût deux, trois, quatre, cinq ans et c’est détruit.
La barrique T5 on la signe, et c'est vraiment notre fût.


L'évolution du métier

L'évolution du métier est allée de pair avec l'évolution de l'entreprise qui s'est énormément développée, comptant actuellement 200 salariés. Des machines de plus en plus perfectionnées ont été installées, permettant un gain de temps notable et rendant le travail moins pénible.

Des tâches se sont ainsi automatisées, notamment à la production des barriques standard, où tout se passe sur une chaîne composée de 18 à 22 personnes qui gardent le même poste pendant une semaine. Sur cette chaîne se fait l'assemblage des douelles qui arrivent usinées d'un autre atelier : mise en robe, montage du fût, cintrage, usinage, rognage, fonçage, finition sur un tour maintenant automatique, perçage de bonde également automatique. Mais la chauffe, qui permet le cintrage du fût, et le bousinage, deuxième chauffe qui fait ressortir les parfums du bois, sont encore réalisés manuellement par les tonneliers.

Le travail dans l'atelier des grands contenants ou dans celui de la barrique T5 est resté beaucoup plus manuel.

Pour la chauffe, on reste encore très traditionnel, même si les nouvelles technologies nous permettent de connaître la température de notre feu.
Une machine ne peut pas remplacer l'œil du tonnelier, il y a quand même un savoir-faire au niveau de la chauffe et du bousinage. On a beau tout paramétrer, le bois, c'est une matière qui bouge, qui est vivante.
Ce qui est important, c'est d'avoir encore ces bases de pratiques manuelles, le savoir-faire, le toucher du bois.
Le plus plaisant, cela reste le montage et la chauffe, on est au cœur du métier, c'est la partie la plus technique et la plus intéressante.


La sécurité et la santé

Comme dans la plupart des métiers du bois, la sécurité a tardé dans la tonnellerie. En 2010, la direction a pris la décision de créer un service sécurité qui a établi des procédures pour la protection des salariés. Le système de production a évolué. À une époque, il y avait des îlots par étape de production, et les quatre ou cinq personnes qui étaient dans un îlot faisaient toujours le même travail. Désormais, le personnel tourne pour des raisons de sécurité, pour éviter notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), mais de nombreux postes restent encore physiquement éprouvants.

Faire tout le temps le même geste, on sait que cela casse les hommes, donc aujourd'hui le personnel tourne, tout le monde est hyper-polyvalent et c'est très bien.
Cela reste toujours un métier manuel où le marteau est très présent. Les bras sont très sollicités, et il y a des vibrations. Aujourd'hui on sait quoi faire contre le bruit, il y a des protections auditives, mais on a rien contre tous ces coups de marteau…
Beaucoup de collègues ont des problèmes de tendinite à force de taper. Actuellement, le service sécurité fait des essais avec des marteaux différents, des chasses différentes, pour éviter ces problèmes.

 

 

Remerciements à Éric Chauvet, Pierre Toillon, David Morandière, Olivier François et Raymond Fernandez. Entretiens réalisés par Willy Paroche, ARÉAS.
Auteur : Pascale Moisdon.

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