"Une vie, une usine" : distillateur à la Distillerie de Gironde, à Javrezac
Découvertes
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Mis à jour le 17 mai 2018
Ludovic Vagile est distillateur depuis 13 ans à la Distillerie de Gironde, à Javrezac, dont l'eau-de-vie de cognac est exclusivement destinée à la maison Hennessy. Il décrit son métier de distillateur..
Ce qui m'a plu, c'est le côté propre, carrelé, où tout brille, et puis l'alchimie de la distillation, c'est agréable, c'est plaisant..
# Portrait : Ludovic Vagile, distillateur à la Distillerie de Gironde
Film réalisé en 2016 par Réel Factory , pour la Région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, dans le cadre de l'inventaire des mémoires ouvrières. Entretien mené par Willy Paroche, de l'association ARÉAS. Durée 05:32.
Portrait de Ludovic Vagile, distillateur à la... par Region-Poitou-Charentes
De tonnelier à distillateur
Ludovic Vagile est tonnelier de formation. Après un apprentissage à la Tonnellerie Taransaud, à Merpins, il travaille à la Tonnellerie Seguin-Moreau, également à Merpins. La fabrication de tonneaux et de fûts l'intéresse beaucoup, mais le passage du travail payé à la pièce à un travail posté ne lui convient pas, ce qui le conduit à chercher un autre emploi. Il entreprend alors, en 2001, une formation de distillateur d'un mois et demi à l'Institut rural d'éducation et d'orientation des Charentes (IREO), à Cherves-Richemont, couplée avec une formation dans l'entreprise de Gironde, qui le recrute en 2002.
J'aimais bien mon métier de tonnelier, l'odeur du bois, du chêne, faire des petits fûts. Je m'en suis un peu écarté, mais on a des fûts, on a des chais... La tonnellerie c'est un métier physique, là, c'est surtout un métier de surveillance, je vérifie et je revérifie.
Bouilleurs de profession, c'est comme ici, c'est-à-dire que l'on travaille pour la maison Hennessy, c'est une profession, alors que les bouilleurs de cru ne distillent que leur cru à eux…
- Les bâtiments de la distillerie de Gironde d'où s'échappent les fumées des chaudières en fonctionnement.
- Les alambics sont en cuivre parce que, en plus d'être malléable, c'est un très bon conducteur de chaleur.
- Les vapeurs sont canalisées dans le chapiteau pour être dirigées vers le serpentin, puis le chauffe-vin où elles se condensent et refroidissent.
- Ludovic Vagile surveille la chauffe des chaudières.
- Les brûleurs d'une des chaudières fonctionnant au gaz.
- Portrait de Ludovic Vagile.
- Réceptacles des différents produits issus de la distillation, appelés fractions de distillat.
- Échantillons des eaux-de-vie élaborées durant une semaine.
- A la sortie du serpentin, le porte-alcoomètre sert de support aux équipements de mesure, thermomètre et alcoomètre ; c'est là qu'ont lieu la séparation et les prélèvements des fractions de distillat.
Assurer la distillation 24 heures sur 24
Quatre personnes se relaient pour s'occuper des chaudières qui fonctionnent sans interruption durant la campagne de distillation fixée de novembre à fin mars. Un aide-distillateur complète l'équipe pour le nettoyage des chaudières et des cuivres de la distillerie pour qu'ils restent brillants. Les deux-tiers des chaudières étant équipées d'automatismes, le travail des distillateurs consiste surtout à surveiller. L'équipement actuel - deux chaudières de 100 hl et les quinze de 25 hl - permet d'effectuer les premières chauffes de nuit et de réaliser, le jour, la seconde distillation, appelée « bonne chauffe », qui ne se fait que dans les alambics de 25 hl. Environ 800 hl de vin sont ainsi distillés par 24 h.
C'est dur quand même pour les distillateurs. Pendant six mois, il n'y a pas de jour férié, il n'y a pas de week-end, il n'y a pas de Noël, il n'y a pas de premier de l'an. On démarre vers le 20 octobre jusqu'au 25 mars.
Première distillation, on met le vin, on récupère du brouillis que l'on le reprend pour le remettre en chaudière, nouvelle distillation et on récupère l'eau-de-vie. Nous n'avions pas assez de brouillis pour pouvoir faire des bonnes chauffes de jour, ce qui est le mieux pour la qualité, et puis à minuit vous étiez debout, à 1h30 vous étiez debout, à 2h30 vous étiez debout, à quatre heures vous étiez debout, c’était la folie. Alors que là, le soir, on allume les chaudières à neuf heures, on peut monter se coucher et on ne reprend le travail qu'à quatre heures du matin…
La première chauffe est beaucoup plus simple. Vous allumez la chaudière, du début du coulage jusqu'à la fin vous n’avez pas à intervenir, alors que pour une bonne chauffe, il faut surveiller le degré et le volume des têtes, le degré des queues et intervenir au bon moment... c'est assez compliqué.
Distiller pour Hennessy
La société de Gironde, qui possède aussi des vignes en propre, achète du vin, le distille et revend du cognac. Elle entretient des relations commerciales, sur une base d'exclusivité, avec la société Hennessy. Cette dernière fournit toute la logistique dont elle peut avoir besoin, tant commerciale pour rencontrer les viticulteurs, que technique avec un laboratoire mis gratuitement à sa disposition pour l'analyse des vins qui arrivent.
Comme chaque grande maison de cognac, la société Hennessy a élaboré sa propre méthode de distillation que ses distillateurs doivent respecter. Cette méthode joue par exemple sur les crus traités, sur les quantités des premiers vapeurs - les têtes - conservées ou supprimées, ou encore sur le fait de distiller avec les lies ou non. Ces diverses méthodes conduisent à élaborer des eaux-de-vie aux arômes plus ou moins subtiles.
Le cognac, il faut 24 heures, c’est deux chauffes, donc on déguste du cognac tous les jours et notre dégustation c'est essentiellement la comparaison par rapport à la veille, par rapport aux autres jours.
Notre eau-de-vie est notée par Hennessy. Dès qu'on est passé à la bonne chauffe de journée, on a été mieux noté. La nuit, on est moins attentif, et puis c'est surtout le temps extérieur qui joue beaucoup…
Après c'est la maison Hennessy qui fait son assemblage. Parfois, vous vous retrouvez avec des cognacs d'excellence, il y a 1 000 eaux-de-vie différentes, c'est un assemblage de 1 000 eaux-de-vie. C'est impressionnant. C'est pour cela que l'on dit que les plus grosses et anciennes réserves d'alcool au monde sont dans le cognac.

Remerciements à Ludovic Vagile et à François de Gironde.
Entretien réalisé par Willy Paroche, ARÉAS.
Auteur : Pascale Moisdon.
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