Les artisans de L'HERMIONE : le poulieur
Découvertes
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Mis à jour le 17 mai 2018
Menuisier-ébéniste de formation, Jean-Michel Drugeon est devenu poulieur dans les années 2000. Il a fabriqué pour L'Hermione un millier de poulies, entre 2010 et 2014.
Jean-Michel Drugeon a été retenu sur appel d'offres pour fabriquer l'intégralité des 1 000 poulies du navire. Il a fait de nombreuses recherches pour réaliser les pièces « les plus historiques possible et qui vieillissent bien, pour que, au final, le coût soit moins élevé. Les enjeux de cette fabrication étaient très différents au 18e siècle, puisque l'importance des stocks des poulies et des cordages sur les bateaux était telle que les marins jetaient ces éléments au fur et à mesure de leur usure. »
Sur le chantier, il y a une entraide, il y a vraiment un très bon esprit. En ce qui me concerne, je suis très satisfait de l’ambiance générale. On s'est tous fait embarquer par un boulot de passion.
# Portrait : Jean-Michel Drugeon, poulieur de L'Hermione
Film réalisé par Réel Factory en 2015, pour la Région, dans le cadre de l'inventaire des mémoires ouvrières. Entretien mené par Willy Paroche, de l'association ARÉAS.
Portrait de Jean-Michel Drugeon, poulieur de L... par Region-Poitou-Charentes
Trouver les matières premières
Les approvisionnements en bois ont été très compliqués.
Les poulies étaient réalisées en bois d'orme. Une maladie ayant décimé tous les ormes français dans les années 1965-1970, le premier défi de Jean-Michel Drugeon a été de trouver les stocks de bois d'orme nécessaire à la fabrication des 1 000 poulies de L'Hermione. Le second a été de s'approvisionner en gaïac pour réaliser les réas, les roues à gorge qui sont à l'intérieur de la plupart des poulies ; ce bois très dur d'Amérique du Sud est l'objet d'un commerce strictement réglementé.
Inventer les outils : une machine à sabots détournée
Pour dégrossir les formes extérieures des poulies, Jean-Michel Drugeon a transformé et adapté une ancienne machine à tailler les sabots. Ce dégrossissage se fait d'après un modèle fabriqué à la main.
C'est une partie du travail très répétitive, surtout lorsque l'on se trouve confronté à des séries. Dans le cas de L'Hermione, la plus grosse série comprenait 220 pièces identiques.
1 000 poulies...
Presque toutes les poulies de L'Hermione sont estropées, c'est-à-dire qu'elles sont suspendues par une estrope [ceinture] de corde. Ce qui permet de la souplesse et de la sécurité parce que, même en cas d'avarie, le cordage qui passe comme dans une maille tient, ce qui n'est pas le cas pour une poulie avec un ferrage. La contrepartie est l'usure, le vieillissement des fibres naturelles qui demandent un entretien constant et beaucoup de main-d’œuvre. Certaines seulement des poulies de L'Hermione ont un ferrage métallique, comme les poulies du capon qui retiennent l'ancre.
- Bloc de bois d'orme et caisse de poulie double. Photographie Réel Factory. © Région Poitou-Charentes.
- Ensemble de caisse de poulies simples et doubles. Photographie Réel Factory. © Région Poitou-Charentes.
- Poulie passée à l'huile de lin et teintée en noir, avec son réa. Photographie Jean-Michel Drugeon.
- Les chiffres peints en blanc sur chaque poulie correspondent à la grosseur du cordage (circonférence) en pouces (1 pouce = 2,707 cm). Photographie Jean-Michel Drugeon.
- Deux poulies simples avec leur réa et leur estrope (ceinture en chanvre). Photographie Réel Factory. © Région Poitou-Charentes.
- Ensemble de poulies avec leur estrope. © Association Hermione-La Fayette.
- Cap de mouton et moque. © Association Hermione-La Fayette.
- Pose des vergues et des mâts en 2013. © Association Hermione-La Fayette.
- Fiche technique pour la fabrication des poulies. Photographie Réel Factory. © Région Poitou-Charentes.

… et plus
Jean-Michel Drugeon a d'autres pièces de L'Hermione à son actif, comme les taquets de lançage, de grosses pièces de bois très ouvragées installées sur les pavois, ainsi que la nouvelle barre à roue installée juste avant les essais en mer.
Je pars du principe que je continue à me former. Tous les jours, on a une nouvelle difficulté. Tous les jours, il faut se poser les bonnes questions, prendre les bonnes options, prendre les bons risques pour faire au mieux, toujours chercher à faire au mieux.
Travailler en public et transmettre
Jean-Michel Drugeon a fabriqué la plupart des pièces dans son atelier d'Allas-Champagne, en Charente-Maritime. À partir de janvier 2014, il a travaillé directement sur le chantier, en contact avec le public.
C'est une contrainte qui est logique, presque désirée, même si cela nous perturbe parfois. S’il n’y avait pas des choses visibles par le public, il n’y aurait pas d’intérêt, cela ne servirait à rien ce que l’on fait. C’est pour ça aussi que l’on ne va pas si vite : lorsqu'on peut le faire à la main, on le fait à la main, plutôt que de prendre une scie circulaire bruyante qui va perturber le discours des animateurs des visites.
Histoire de poulies et d'estropes
Pour plonger dans l'histoire de la marine du 18e siècle, voici quelques planches et les pages correspondant aux définitions des mots "poulie" et "estrope", issues du Dictionnaire de la marine française, avec figures, de 1792 et de L'Art de la voilure, de 1781, conservés à la Bnf. Ces deux ouvrages ont été écrits par Nicolas Charles Romme (Riom Puy-de-Dôme 1745 - Rochefort 1805) professeur de mathématiques et de navigation à l'École de Rochefort.

Pour la lecture de ces textes du 18e siècle : sauf en fin de mot, le s minuscule est un s long, qui ressemble à un f.
Remerciements à Jean-Michel Drugeon, ainsi qu'à l'Association Hermione-La Fayette.
Entretien : recueilli par Willy Paroche, association AREAS.
Article : Pascale Moisdon.
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