Conférence sur le patrimoine de Cernay le 24 mars
Le vendredi 24 mars 2023 à 18h, à la salle des fêtes de Cernay, une conférence de Paul Maturi présentera les résultats de l’inventaire du patrimoine de cette commune.

L'activité de tannerie consiste à transformer les peaux d'animaux en cuir, en les rendant imputrescibles, souples et résistantes. Les peaux, qui proviennent des dépouilles des animaux abattus, sont conservées jusqu'à leur traitement en tannerie soit par séchage, soit par salage, soit encore par trempage dans une saumure (eau additionnée de sel), soit encore depuis la fin du 19e siècle siècle par picklage (traitement par une solution de sel marin et d'acide chlorhydrique ou sulfurique). La tannerie comporte trois phases principales : la préparation des peaux, le tannage et le corroyage.
Une série d'opérations prépare les dépouilles d'animaux pour leur tannage : on retire les poils et les chairs qui y adhèrent, puis on les traite pour leur permettre d'absorber les matières tannantes. Pratiquée dans le courant des rivières, cette préparation est connue sous le nom de « travail de rivière » ; c'est pourquoi les tanneries se trouvent toujours au bord de l'eau.
La trempe ou le reverdissage - Les peaux sont laissées à tremper dans l'eau, de quelques heures à quelques jours. Autrefois immergées directement dans le lit de la rivière, elles le sont par la suite dans des bassins dont l'eau est continuellement renouvelée. Ce séjour dans l'eau permet le gonflement des tissus, l'évacuation des souillures et le dessalement des dépouilles.
Le pelanage - Les peaux séjournent dans un bain de chaux qui va faciliter l'extraction des poils, dans des cuves appelées pelains.
L'ébourrage : Les dépouilles étalées sur un chevalet sont débarrassées de leurs poils à l'aide d'un couteau à lame courbe, dit couteau rond, puis rincées à l'eau.
L'écharnage - Les chairs restantes sont enlevées avec un couteau à deux manches, appelé faulx (faux). Les peaux sont ensuite frottées au moyen d'une sorte de pierre à aiguiser - la queurse - pour éliminer les derniers poils, trempées dans la rivière pour ôter la chaux (déchaulage) et de nouveau frottées.
Les peaux sont immergées dans des fosses circulaires maçonnées ou des cuves en bois contenant de l'eau et du tan. Ce dernier est obtenu par le broyage d'écorces de certaines espèces d'arbres, notamment le chêne, qui s'effectue dans des moulins à tan. Le tanin contenu dans cette matière rend les peaux imputrescibles.
La basserie - Les peaux sont mises à tremper dans des cuves successives contenant un jus d'écorce de plus en plus concentré, pendant une durée de près de deux mois.
Le refaisage - Les peaux sont à nouveau immergées, en alternant une couche de tan frais, dans des cuves enterrées, pendant deux mois.
Le séjour en fosse - Pendant cette opération qui dure de huit à douze mois, la quantité de tan est encore augmentée. Une fois séchée en plein air ou sous des hangars, les peaux sont parées ou dressées, c'est-à-dire aplaties en étant frappées du pied, puis battues au maillet de bois dur.
L'ensemble des opérations de tannage dure ainsi plus de quatorze mois.
Les peaux tannées, devenues cuirs lisses et fermes, sont ensuite corroyées, c'est-à-dire assouplies et préparées pour les divers usages auxquels elles sont destinées.
Les cuirs humidifiés sont foulés au pied puis battus. Leur épaisseur est ensuite égalisée avec un couteau à dérayer (ou drayer) muni d'une lame à deux tranchants et de deux manches.
Le cuir est assoupli à l'aide de sortes de grosses brosses bombées entièrement en bois dur - paumelles et marguerites -, puis mis au vent et aplani à la queurse. Enfin, les dernières irrégularités qui subsistent du côté chair sont enlevées à la lunette, disque métallique tranchant sur toute sa circonférence et percé en son centre d'un trou garni de cuir pour y passer la main.
La dernière opération, le finissage, consiste à enduire le cuir d'un corps gras.
À partir de la fin du 19e siècle, toutes les opérations de fabrication du cuir bénéficient peu à peu de la mécanisation et de l'élaboration de nouveaux produits chimiques. Quant aux peaux, elles sont de plus en plus importées pour répondre aux besoins croissants en cuir.
À partir des années 1920, le travail préparatoire est effectué à l'aide de machines dans la plupart des établissements. La trempe se termine dès lors dans un tonneau à foulon ou dans un culbuteur, machines en mouvement qui brassent et battent les peaux. Le pelanage se déroule également dans un tonneau à foulon ou dans une coudreuse, demi-cylindre en bois dans lequel tourne un moulinet en bois.
Des ébourreuses raclent les poils et des machines à écharner enlèvent la chair. Ces machines, de principe identique, comprennent un cylindre armé de lames disposées en hélice et un second cylindre d'appui lisse, garni en caoutchouc ; en passant entre ces deux cylindres, la peau est débarrassée des poils ou des chairs.
Le déchaulage se pratique dans des tonneaux à foulon et, à partir des années 1920, dans des coudreuses en utilisant de l'acide.
L'utilisation de tonneaux de tannage, en remplacement des fosses, permet de réduire la durée des opérations, ainsi que la pénibilité du travail pour les ouvriers. L'ajout d'autres extraits végétaux tannants (châtaignier ou quebracho, arbre d'Amérique tropicale) réduit également la durée du tannage : la basserie ne dure plus qu'un mois et le refaisage consiste en quatre bains de huit jours. L'ensemble des opérations est ainsi réduit à environ six mois.
Des produits chimiques dérivés de l'urée, du formol ou de goudrons sont parfois ajoutés au tanin pour en faciliter l'absorption. Grâce à ces produits, la durée du tannage varie (lent : de 12 à 18 mois ; moyen : 6 mois ; rapide : 1 mois) selon l'usage auquel sont destinés les cuirs.
Dans ce type de tannage, le tanin est remplacé par des produits chimiques obtenus à partir de minéraux : sulfate d'alumine (alun), sels de chrome, sulfate de fer. À partir des années 1900, le délai de tannage est ainsi réduit à trois mois avec l'utilisation de sels de chrome, produit utilisé exclusivement pour la préparation de cuir de dessus de chaussures.
La plupart des établissements possèdent, à partir des années 1920, des machines permettant de réaliser l'ensemble des opérations de corroyage : dérideuse, lisseuse, dérayeuse, doleuse (machine à meuler), machine à glacer, à satiner, etc.
Auteur : Pascale Moisdon, en collaboration avec Catherine Tijou, juin 2017.