Les Mathes et les Bonaparte
Découvertes
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Mis à jour le 13 janvier 2016
Dans l'histoire des Mathes, deux épisodes singuliers marquent les liens étroits entre la commune et la famille Bonaparte, qui a régné sur la France au début et au milieu du 19e siècle. On en retrouve la trace dans le patrimoine de la commune.
Les platanes "du roi de Rome"
Le premier épisode se déroule durant l'hiver 1810-1811. Quelques mois plus tôt, le 1er avril 1810, après avoir répudié Joséphine, l'empereur Napoléon 1er a épousé l'archiduchesse d'Autriche Marie-Louise, afin de consolider sa fragile alliance avec l'Empire autrichien. L'événement est fêté dans toute la France, par exemple par la plantation d'arbres, à l'image des arbres de la Liberté plantés sous la Révolution. Tel est le cas dans la commune des Mathes.
Le 9 décembre 1810, le sous-inspecteur des Eaux et forêts de Rochefort écrit à M. Marchais, garde de la forêt d'Arvert, pour lui annoncer l'envoi des deux platanes à planter. Il lui indique qu'ils ont été remis à M. Michel, aubergiste à Marennes, et il l'invite à prendre toutes les précautions pour garantir la pérennité des jeunes plants. La plantation a probablement lieu dans les semaines suivantes, en tout cas avant la naissance du roi de Rome, enfant de Napoléon 1er et de Marie-Louise, né en mars 1811 (les deux arbres sont donc à tort appelés "platanes du roi de Rome"). L'endroit choisi se situe près du carrefour de la Baraque (actuel centre de vacances de la Ville d'Ivry-sur-Seine) et des dunes qui n'ont pas encore été plantées en forêt. La tradition assure qu'en 1815, à la chute de l'Empire, les deux jeunes arbres auraient été décapités à la hache, par dépit, ce qui expliquerait leur tronc court, duquel s'élèvent de grosses branches.
Au début du 20e siècle, les deux arbres, déjà très imposants, encadrent la route qui mène désormais au Clapet et au bord de mer, là où se développera la station de La Palmyre. Par arrêté ministériel du 1er juillet 1932, à la demande de la municipalité des Mathes, les deux platanes sont classés au titre de la loi du 2 mai 1930 sur "la protection des sites à caractères artistiques, historiques, scientifiques, légendaires et pittoresques".
Joseph Bonaparte aux Mathes
Le second épisode a lieu au lendemain des Cent Jours et de la chute définitive de Napoléon 1er. Après son abdication, le 22 juin 1815, l'empereur envisage un temps de gagner les États-Unis. Il loge à Rochefort, le 5 juillet, puis à l'île d'Aix, le 8. Il y est rejoint par son frère aîné, Joseph Bonaparte, ancien roi de Naples puis d'Espagne, qui lui propose en vain son aide. Tandis que l'empereur renonce à son projet américain, Joseph trouve refuge à Rochefort chez un fervent bonapartiste, le négociant François Pelletreau. Ce dernier possède, avec son frère Jean-André, deux domaines aux Mathes : la ferme de Montsouci ou des Charmettes, et la propriété du Grand Logis. Le 15 juillet, Joseph Bonaparte quitte Rochefort pour la ferme de Montsouci, plus discrète, avec l'aide du fils de François Pelletreau, Édouard. Pendant son séjour clandestin, il passe une soirée et une nuit au Grand Logis. Dans la nuit du 24 au 25 juillet, il quitte finalement les Mathes pour s'embarquer incognito à Royan sur un bateau affrété par les Pelletreau, en direction des États-Unis. Rentré en Europe en 1832, l'ancien roi d'Espagne finira sa vie en Italie, à Florence, en 1844.
La générosité de Napoléon III
L'histoire commune des Mathes et des Bonaparte se termine sous le Second Empire. Napoléon III a pris l'habitude de gratifier de nombreuses communes de France d’œuvres d'art offertes en cadeau ou en dépôt. Peut-être est-ce plus particulièrement en souvenir du passage de son oncle Joseph aux Mathes qu'il offre à cette commune, en 1868, la plus grosse des deux cloches qui se trouvent encore aujourd'hui dans le clocher de l'église. Celui-ci est à cette époque sur le point d'être construit (les travaux commenceront en 1869). Coulée à la fonderie de la Marine à Rochefort, la cloche porte une inscription rappelant cette générosité.
L'empereur a aussi fait don aux Mathes d'un ostensoir réalisé par l'orfèvre parisien Placide Poussielgue-Rusand. Celui-ci est réputé pour avoir réalisé de nombreuses pièces d'orfèvrerie pour la cathédrale de Paris et a porté le titre (envié) d'orfèvre du Pape.
Sources
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Delavaud, Isabelle (dir.), Arbres remarquables de la Charente-Maritime. Saintes : Nature Environnement 17, 1999, 159 p.
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Egreteaud, Maxime. Monographie de la commune des Mathes, arrondissement de Marennes, suivie de Drilhon, Paul, "Simples notes sur la paroisse des Mathes", Recueil de la Commission des Arts et Monuments historiques de la Charente-Inférieure, t. XIII, 1895-1896, p. 210 ; rééd. Royan : imprimerie Gatignol, 2002, 72 p.
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Prince, André, Les Mathes La Palmyre : histoire et récits. Paris : Les Indes savantes, 2008, 192 p.
Auteur : Yannis Suire.
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