Le peintre Henri Gervex, la Grande Guerre et Poitiers
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Mis à jour le 8 décembre 2014
En 1914, le peintre parisien Henri Gervex se rend à Poitiers pour peindre des scènes de la vie quotidienne à l'arrière, qui illustreront la presse d'alors.
Un peintre mondain et reconnu...
Henri Gervex (1852-1929), peintre mondain, est adulé du Tout-Paris à la fin du 19e et au début du 20e siècles. Ami de la princesse Mathilde Bonaparte, de Guy de Maupassant, du richissime James Gordon Bennett, propriétaire du New York Herald, il fréquente les Sagan, les Talleyrand-Périgord, Robert de Montesquiou, Boni de Castellane, et leurs compagnes du demi-monde, la belle Otéro, Liane de Pougy... Valtesse de La Bigne, la Nana de Zola, est sa maîtresse. Les distinctions honorifiques les plus diverses, de France, d'Espagne, de Suède, de Russie (il est le peintre officiel du couronnement du tsar Nicolas II) confirment cette célébrité. En 1918 s'y ajoute la croix de guerre pour services rendus à la patrie.
… qui se rend à Poitiers en 1914
En 1914 en effet, bien qu'âgé de 62 ans, l'artiste réputé se doit de rivaliser avec les dames de son monde, infirmières et organisatrices de tombolas au profit des blessés. Il choisit de contribuer à l'effort de guerre en se rendant à l'arrière, à Poitiers. Cette ville, nœud ferroviaire, lui a peut-être été conseillée par ceux de ses amis qui, en des jours plus heureux, transitaient par Poitiers pour gagner les plaisirs de la côte, La Rochelle et Royan.
Il y peint et dessine de nombreuses scènes de la vie à l'infirmerie militaire de la gare. Ces œuvres constitueront des lots de tombolas, ou paraîtront dans la presse du temps, le New York Herald bien sûr, ou L'Illustration.
Ses témoignages y côtoient d'ailleurs parfois ceux de Poitevins et de Charentais, les écrivains Pierre Loti et Gaston Chéreau, et ceux de Charles Fouqueray, normand qui peint le littoral atlantique.
Deux œuvres présentées dans L'Illustration
Gervex présente, dans L'Illustration du 20 février 1915, Le train des blessés ; dans celui du 11 septembre, L'ambulance de la gare de Poitiers.
Ces œuvres de circonstance expriment plus peut-être le tempérament de Gervex que la vie à l'arrière. Les individus y sont un peu statiques, immobiles, figés ; le peintre s'est toujours refusé à la dramatisation et ses personnages ne semblent jamais vivre un moment exceptionnel, mais un temps du quotidien.
Les deux tableaux sont en diagonale, du haut à gauche vers le bas à droite. De discrètes taches de rouge soulignent cette construction dans L'ambulance : la croix du drapeau, une fleur du bouquet (un bouquet, ici, maintenant ?), les casquettes et les pantalons des soldats, la manche de l'infirmière, la main blessée du soldat à la bassine, un peu de sang près de la besace à terre. Le soldat à la main blessée, seul, est tourné vers le spectateur. Son regard n'exprime ni colère ni souffrance.
Autre diagonale, plus poignante peut-être : celle de la trouée de ciel bleu très haut placée, dans Le train des blessés, comme l'évocation d'un soulagement encore inaccessible.
Dans les deux représentations, une infirmière, personnage central vêtu de blanc, debout. Les silhouettes féminines nues ou vêtues de blanc abondent dans l’œuvre de Gervex ; les critiques de son temps évoquaient sa « série blanche », et plus cyniquement une « mouche tombée dans du lait » (La femme au masque, 1886, nue si ce n'est un masque noir sur les yeux), et la fameuse « tempête dans un pot de crème » de Zola, qui s'inspira de Gervex pour son personnage de Fagerolles dans L'Œuvre.
En revanche, lorsqu'il réalisa le premier portrait de son épouse, il la peignit... entièrement vêtue... de noir.
Auteur : Marie-Paule Dupuy
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Hélène Plessis-Vieillard
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